Avatar met en scène deux formes d’écologie radicalement différentes

Avatar met en scène deux formes d’écologie radicalement différentes

Le film Avatar et ses fameux Na’vis, extraterrestres à la peau bleue aux prises avec des Terriens avides de conquêtes, proposait en 2009 une fable écologique devenue le plus gros succès en salles de tous les temps. Quelle conception de la vie le film met-il en scène ?
Perig Pitrou1. La première qualité de ce film est de présenter des singularités tout à la fois biologiques et sociotechniques. D’un côté, on croise sans cesse des formes de vie inconnues – animales, végétales, humanoïdes… – dans un environnement foisonnant. On découvre l’écologie de la planète imaginaire Pandora, notamment l’existence de systèmes de communication entre différentes espèces qui ne ressemblent à rien de ce que l’on connaît sur Terre.

“La diversité des formes de vie (dans le film) est un prétexte pour nous plonger dans un univers animiste, radicalement différent des schémas de pensée occidentaux.”

D’un autre côté, le film montre ce que cette communication implique d’un point de vue politique et social : les espèces vivent en communion les unes avec les autres, des cavaliers humanoïdes nouent un lien éternel et organique avec leur monture, les arbres parlent aux vivants et même aux morts… La diversité des formes de vie est un prétexte pour nous plonger dans un univers animiste, radicalement différent des schémas de pensée occidentaux. L’arrivée des humains sur cette planète, sous forme de complexe militaro-industriel et prédateur, accentue encore ce contraste. Ils ne comprennent pas ce qu’ils voient et tentent d’imposer leur vision du monde.

Autrement dit, le film prône un changement de regard…
P. P. Avatar fait écho aux travaux de l’anthropologue Philippe Descola et notamment à son livre le plus influent : Par-delà nature et culture (Gallimard, 2005) – il est d’ailleurs intéressant de noter que cet ouvrage et le film sont sortis à quelques années d’écart à peine, l’idée était dans l’air du temps… Dans son œuvre, Philippe Descola raconte comment l’étude des peuples amazoniens et d’autres sociétés traditionnelles a permis de décentrer notre regard. En Occident, nous avons une vision qu’il qualifie de « naturaliste » : nous voyons des similitudes physiques entre les humains et les non-humains – tout être vivant est constitué d’ADN, de cellules… –, mais nous pensons avoir une vie spirituelle plus riche et élaborée.

“Avatar fait écho aux travaux de l’anthropologue Philippe Descola et notamment à son livre le plus influent : Par-delà nature et culture.”

Dans l’ontologie animiste, que Descola étudie en Amazonie mais qu’on retrouve dans d’autres régions du monde (Sud-Est asiatique, zone arctique…), c’est exactement le contraire. Les humains considèrent qu’ils partagent une même intériorité spirituelle avec toutes les créatures du monde, tandis que les différences seraient essentiellement physiques et biologiques. Par ailleurs, Philippe Descola milite beaucoup pour les droits des peuples autochtones et pour l’écologie, ce qui est un thème central dans Avatar.

Pour revenir à Avatar, le message écologique du film de 2009 était-il d’avant-garde à cette époque ?
P. P. On peut considérer qu’il plaide en faveur d’une reconnexion avec la nature, d’une meilleure conservation de l’environnement et d’un plus grand respect des droits des peuples… Messages devenus d’autant plus audibles et cruciaux aujourd’hui. Pour autant, en tant qu’anthropologue, je trouve surtout intéressant de réfléchir au contraste entre deux formes d’écologie que le film met en scène : l’une naturaliste et l’autre animiste, pour reprendre la terminologie de Descola. Dès le début du film, la caméra offre une vue plongeante sur une jungle vierge de toute activité humaine, suivie d’un panorama sur un vaisseau spatial – qui est à l’inverse l’environnement le plus anthropique qu’on puisse imaginer !

“Chez les humains du film, l’ordre social est souvent dominé par des hommes virils et la capacité à accaparer des ressources (…). L’organisation politique des Na’vis semble plus égalitaire et moins ancrée dans des stéréotypes de genre.”

Source : https://lejournal.cnrs.fr/articles/avatar-met-en-scene-deux-formes-decologie-radicalement-differentes

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