L’écologie intégrale comme capacité à aimer
Prendre soin de la « maison commune » , selon l’invitation du pape François, est-il une question d’amour ? À la lecture de l’encyclique Laudato si’, la réponse affirmative paraît évidente. A contrario, les difficultés écologiques de notre temps seraient-elles les signes que notre humanité n’aime pas sa planète, seule oasis dans cet univers dans laquelle l’être humain peut vivre ? La réponse n’est pour le coup pas aussi évidente, car les causes de l’insensibilité actuelle à l’écologie sont très complexes, et requerrait une analyse interdisciplinaire à composante théologique, philosophique, sociologique et psychologique hors norme. Face aux chiffres alarmants de l’évolution du climat et de la biodiversité, le fait que « nous ne croyons pas ce que nous savons , selon l’expression de Jean-Pierre Dupuy, pourrait être le signe d’une indifférence manifestant ce manque d’amour pour la planète. Mais plutôt que raisonner par défaut, je propose de considérer positivement le rôle de l’amour dans l’engagement écologique tel qu’il est proposé dans le nouveau paradigme de l’écologie intégrale selon François dans son encyclique Laudato si’. Nous pourrons voir que ce rôle est central, car il découle du fait même d’être chrétien, c’est-à-dire membre d’une Église qui confesse un Dieu dont l’essence même est l’amour selon l’enseignement de saint Jean (1 Jn 4, 8).
Pourquoi l’amour apparaît-il comme un thème central au sein de l’engagement écologique ? Il ne s’agit pas de cantonner cet amour à celui des petites bêtes et des petites fleurs, ou plus sérieusement, à la création de Dieu dans son ensemble. Il s’agit bien plus profondément d’être à l’image du Dieu créateur et sauveur et de répondre au commandement de l’amour qui doit être tourné vers Dieu, le prochain, soi-même et toutes les créatures. Ces composantes sont ce avec quoi la créature humaine est en relation. Or, en écologie, tout est question de relations. On trouve dans les manuels dédiés à cette discipline la définition suivante : « L’écologie » se définit comme l’étude des interactions qui existent entre les organismes et leur environnement physique et biologique . Cette définition, à peine modifiée de l’originale proposée par Ernst Haeckel en 1866, sert de point de départ à l’élaboration du concept d’écologie intégrale par François et lui donne l’assise épistémologique nécessaire à fonder le « refrain » de l’encyclique : « tout est lié . Les conséquences de ce principe d’écologie scientifique sont importantes pour le Saint-Père :
Cela demande de s’asseoir pour penser et pour discuter avec honnêteté des conditions de vie et de survie d’une société, pour remettre en question les modèles de développement, de production et de consommation. Il n’est pas superflu d’insister sur le fait que tout est lié.
(LS 138)
L’être humain est immanquablement une créature écologique, c’est-à-dire qu’elle est inscrite dans un ou des réseaux d’interactions d’interdépendance, autre nom de la relation écologique. Mais qui dit être en relation, pour un être humain, appelle la spécificité humaine de l’être en relation ; cela implique donc l’amour de ce avec quoi ou qui nous sommes en relation. Ainsi, si être créé par Dieu est fondamentalement exister parce qu’en relation avec d’autres entités et personnes, alors la réflexion sur l’être-en-relation-avec nécessite pour l’humain une réflexion sur l’amour.
Voilà pourquoi je propose un parcours en quatre étapes pour cet article, en commençant par la mise en relation entre la source de tout amour qu’est la Trinité et les implications écologiques de cet amour trinitaire. Je poursuivrai par une réflexion sur les quatre relations fondamentales qui sont visées par l’écologie intégrale, en insistant par la suite sur l’une d’entre elles : l’option préférentielle pour les pauvres, principe permanent de la doctrine sociale de l’Église ; pour finir avec la proposition que l’amour est la clé de la conversion à l’écologie intégrale, en tant qu’il est le propre du regard de Dieu sur la création.
Par: Fabien Revol
Dans Revue Lumen Vitae 2018/4 (Volume LXXIII), pages 411 à 424
Source: Mis en ligne sur Cairn.info le 08/12/2019 https://doi.org/10.2143/LV.00.0.0000000
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